De l'horticulture verticale à l'agriculture urbaine

Peut-on encore concevoir la ville sans agriculture urbaine ? Pour les jardins, comestibles et/ou ornementaux - au sol, en façade ou en toiture -, aucun doute ne subsiste. Pour la ville jardinée en intérieur par des collectifs, entreprises et particuliers, le phénomène est validé par l'émergence de projets partout dans le monde ; il influencera l'aménagement urbain. À ce jour, on n'a pas encore de retour sur la rentabilité économique de ces structures et systèmes originaux ou high-tech. Il y aura bien sûr moins de communication sur les insuccès et, comme pour les murs végétaux, on assistera à un élagage de l'offre.

N'empêche, le marché est à maturité depuis que de grands fournisseurs de l'horticulture (serristes, semenciers, équipementiers de pilotage climatique et lumineux), par ailleurs acteurs mondiaux, ont décidé de s'y investir. Le tournant stratégique est le manifeste présenté à GreenTech 2016 par Meiny Prins et Rob Baan, respectivement P.-D.G. de Priva et P.-D.G. de Koppert Cress (jeunes pousses comestibles), lui-même très impliqué dans l'éclairage Led avec Lemnis Oreon. En référence aux deltas fluviaux fertiles, ils évoquent « des deltas urbains durables, dont les Pays-Bas constituent le meilleur exemple et le coeur mondial de l'agriculture métropolitaine ». Ces adjectifs signent leur ambition territoriale et technico-économique. Le développement de l'agriculture urbaine n'est donc plus lié à la seule volonté des aménageurs adeptes de la biodiversité et des citadins locavores. Les fournisseurs ont humé l'air du temps et entendent bien s'approprier ce segment de marché « juteux », quitte à le soutenir pour le propulser.

La technique de culture verticale est portée par l'hydroponie, les Led et les modules de cultures en chambre climatisée (monocouche ou multicouche) sans lumière naturelle avec une diversification vers les particuliers, un public très captif pour la production alimentaire locale. Le hors-sol est désormais paré de toutes les vertus. On n'est pas à une contradiction près ! La filière d'ornement peut tirer parti du regain d'intérêt pour les murs végétaux de tout format, inclus dans la cuisine. La décoration privilégie les végétaux d'ornement en lorgnant du côté des aromatiques et des ornementales gourmandes.

Les Leds séduisent

L'hydroponie gagne son droit de cité - city farming oblige - dans le collectif (hôtels, écoles, commerces...) et chez les particuliers. Très aboutis, les ZipGrow™ du français Refarmers s'insèrent sur des ZipRacks™ (photo 1). Les professionnels disposent des versions FarmWall™ et ZipFarm™. Ces produits aux noms futuristes sont destinés à mener la végétalisation dans des supports tubulaires et en hydroponie, en lumière naturelle ou en indoor avec Led. Ils sont constitués de modules empilables s'enlevant et se repositionnant aisément pour un remplacement saisonnier. Avertissement général d'un fournisseur hollandais : « Le multicouche et les cultures étagées sont faciles à mettre en oeuvre depuis des siècles. Le problème, c'est l'irrigation. » Justement, le Vertical Garden Planter, lancé par une société chinoise (distributeur européen en Allemagne), offre une solution ultrasimple d'arrosage par le dessus (photo 2). Dans l'offre de Led, aussi pléthorique que celle des solutions hydroponiques, il est parfois difficile d'identifier le potentiel réel des assortiments de couleurs des lampes ou tubes. Notons l'approche du français Silen & Co qui pratique le sur-mesure pour adapter le spectre lumineux aux besoins de la plante et aux exigences du client (durée de croissance, dates de récolte, critères de qualité). L'usage de Led impose de revoir tout le contrôle climatique. Le finlandais Netled s'est associé à son compatriote Novarbo pour un concept de ferme verticale. Il propose aussi un module à poser dans sa cuisine. Les Led séduisent le grand public avec des kits disponibles en jardineries ou chez Ikea. Ils sont bien plus efficients que les premières offres venant des fabricants asiatiques, à l'instar de l'offre de BTT-Larus (photo 3). La plante devient connectée car ces niches tirent parti des capteurs professionnels.

Les enceintes closes en milieu fermé et/ou contrôlé conviennent pour l'expérimentation, les jeunes plants et le maraîchage. Parmi les plus abouties, car originaires de fournisseurs expérimentés, citons le Plantyfood de Certhon (créateur de la serre Suprimair), la Light4Food de la société éponyme associée à Ammerlaan et Philips Lighting, et la chambre climatique mobile MyGrowthRoom de Nyssen (lire en p. 14). Des déclinaisons en petit volume existent comme la « cave végétale » pour particuliers de Cesbron (photo 4).

Davantage que ces simples caissons ou conteneurs bardés de Led, la mécanisation des cultures étagées avec convoyage préfigure la véritable usine à plantes. Dans cette veine de la verticalisation, les produits d'équipementiers de serres reconnus investissent le créneau : GreenCube® de Logiqs, le Multi Green Grow de Danish Gully System (DK) et le sur-mesure de Codema (Hawe-Wevab) (photo 5).

Linda Kaluzny-Pinon

N.B. : sauf mention contraire, les fournisseurs cités sont établis aux Pays-Bas.